L’activité physique quotidienne diminue et le temps de sédentarité augmente. Conséquences : la santé physique et mentale de la population mondiale se dégrade. En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) alerte et met en garde (1) : 95% des Français ne font pas assez d’exercice physique et/ou sont trop sédentaires. Comment leur redonner le goût du mouvement pour aller bien ?
Entre le « no sport » de Winston Churchill, secret déclaré de sa longévité, et le précepte de Pierre de Coubertin qui définissait le sport comme « le culte volontaire et habituel de l’exercice musculaire intensif, appuyé par le désir de progrès et pouvant aller jusqu’au risque », un gap. Sans doute pouvons-nous situer au cœur de ce dernier la définition de l’activité physique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « Tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui requiert une dépense d’énergie. » D’intensité modérée ou soutenue, elle « a des effets bénéfiques scientifiquement prouvés sur la santé. » Elle contribue en effet à prévenir et à améliorer le pronostic des maladies chroniques, à maintenir un bon équilibre du poids, à améliorer la santé mentale, la qualité de vie et le bien-être et à prolonger l’autonomie. Pour l’Anses, l’inactivité physique des adolescents, population particulièrement touchée, correspond à une activité physique « inférieure à soixante minutes, incluant le sport pratiqué en temps scolaire. » (cf. encadré)
Bouger, ça s’apprend !
La sédentarité, quant à elle, se caractérise par le temps éveillé journalier passé assis (dans les transports, devant un écran, au travail…) ou allongé. Les risques pour la santé apparaissent dès trois heures par jour dans ces positions, avec un vrai danger une fois le cap des six/sept heures dépassé. Il est en effet prouvé aujourd’hui que la sédentarité a un impact négatif sur le cœur et le cerveau, fait monter la pression artérielle et la glycémie. Si elle est conjuguée avec un faible niveau d’activité physique, elle est l’un des principaux facteurs de risque pour la survenue et l’aggravation des pathologies chroniques, première cause de mortalité dans le monde.
Un mode de vie actif, et ceci dès le plus jeune âge, est la condition sine qua none pour rester en bonne santé tout au long de sa vie. Pour les 6-17 ans, l’Ansespréconise de diminuer les occupations sédentaires et plus particulièrement le temps d’écran (smartphones, tablettes, télévision…). Pour les adultes, elle recommande d’augmenter la quantité d’activité physique journalière et de limiter les périodes de sédentarité prolongées.
En cas d’activité, notamment professionnelle, qui oblige à rester assis, elle invite à se lever toutes les deux heures, pendant quelques minutes, pour marcher, s’étirer, faire quelques mouvements… Il est bienvenu d’y ajouter l’équivalent d’au moins trente minutes d’activité physique modérée -qui essouffle un peu- par jour, au moins cinq fois par semaine. Et les occasions de bouger dans notre quotidien ne manquent pas :
monter et descendre les escaliers plutôt que de prendre l’ascenseur, marcher plutôt que de prendre la voiture ou les transports en commun quand c’est possible… Il s’agit de (ré) intégrer le mouvement dans notre quotidien.
Pour les personnes avançant en âge, l’activité physique permet de diminuer les risques cardiovasculaires. Mais aussi d’améliorer la qualité de vie et la capacité fonctionnelle et, en favorisant ainsi le maintien de l’autonomie, retarde leur entrée en dépendance. Elle prévient la perte de masse musculaire, améliore donc l’équilibre et diminue le risque de chute.
Le sport pour allié
Comme des millions de personnes dans le monde, 60% des Européens, des Américains et des Australiens font du sport. Les études montrent aujourd’hui que la pratique de certains sports parmi les plus populaires -la marche et le vélo- réduit significativement le risque de décès prématuré. Mais tous les sports n’ont pas le même impact sur notre santé. Leurs bénéfices ne sont pas encore démontrés clairement dans les études internationales, mais une chose est sûre, pratiquer un sport quel qu’il soit fait entrer dans un mouvement individuel et/ou collectif positif tant pour le physique que pour le mental.
Pour réduire le stress et la déprime, le sport est un allié de taille. Selon l’Inserm, une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’une dépression dans sa vie. Et une sur cinq est affectée chaque année par une maladie mentale (troubles bipolaires, schizophrénie…). « Environ 6% des sportifs de haut niveau sont anxieux ou ont des problèmes de santé mentale, » précise le Dr Marc Rozenblat, médecin du sport. « Ce pourcentage est autour de 15% chez la population mondiale. Le sport permet de prévenir la survenue ou l’aggravation de maladies mentales. »
Plus la pratique d’un sport est intense, plus l’organisme produit des hormones. De l’endorphine (anti-douleur et euphorie), de la dopamine (plaisir et vigilance) ainsi que de l’adrénaline et de la noradrénaline (efforts et puissance). Les médecins recommandent aux personnes atteintes de dépression de se lancer dans un sport collectif (football, basket, volley…), car ils permettent de socialiser et de tisser des liens avec ses coéquipiers. Mais pour les individus les plus stressés, un sport individuel (course à pied, vélo…) leur permettra de ne pas se soucier du regard des autres qui les fait souvent souffrir.
Améliorer la santé des Français est aujourd’hui un enjeu de santé publique. Il s’agit de les aider à adopter de nouveaux comportements et de leur permettre de (re)trouver le goût et le plaisir de bouger dans un environnement propice à la pratique d’une activité physique agréable, facile et sécurisée.
Une loi publiée le 2 mars 2022 a mis l’accent sur le sport-santé, soit des activités physiques adaptées et prescrites par les médecins aux personnes atteintes d’affections, notamment chroniques, ou ayant des facteurs de risques (surpoids, obésité…), ainsi que sur l’instauration d’une pratique obligatoire d’activité physique quotidienne à l’école primaire et sur l’accès aux équipements sportifs scolaires pour les associations. En 2021, le gouvernement a aussi instauré une aide financière pour encourager les jeunes à se lancer dans une pratique sportive : le Pass’Sport. Les entreprises sont, elles, invitées à soutenir le bien-être de leurs salariés. Mais le chemin s’annonce long pour faire bouger la situation.
Et si le changement commençait comme toujours par un pas, un simple pas, le vôtre ?
(1) Étude publiée le 15 février 2022.
Pour en savoir plus : www.anses.fr
(1) Étude Inca3 de l’Anses (novembre 2020), la troisième sur les consommations et les habitudes alimentaires de la population française.
« Je n’ai jamais été aussi confiante »
Cette « retraitée » hors normes détient le record du monde du 80 mètres haies dans la catégorie des 70-74 ans, depuis juillet 2022. Âgée de soixante-douze ans, Eliane Piret collectionne les médailles sur les pistes nationales et internationales.
Comment êtes-vous venue à l’athlétisme ?
Eliane PIRET : Á l’école primaire. Nous pratiquions le sport dans la cour. C’était ma matière préférée, un véritable jeu, pas du tout une contrainte : sauter dans le sable, lancer le poids, faire des tours en courant. Ce qui me plaît depuis toujours dans l’athlétisme, c’est la diversité des activités. Ma préférence ? Les haies. J’ai pratiqué en club à Calais jusqu’à l’âge de dix-sept ans. J’ai même été qualifiée aux championnats de France en cadettes. J’aurais aimé être professeure de sport, mais mes parents ont choisi pour moi. J’ai fait un CAP de sténodactylo comptable. Á dix-huit ans, j’ai commencé à travailler et j’ai arrêté de m’entraîner.
Et vous avez repris le sport quand vous vous êtes séparée du père de vos trois enfants …
E.P. : J’ai vécu une période difficile. J’étais seule pour les élever. J’ai alors dû reprendre mon métier de secrétaire. Mais je les conduisais régulièrement au stade à Calais. Au fil du temps, j’ai eu envie d’être utile à l’association sportive SO Calais. J’ai encadré les poussins. Je me suis formée pour être juge, et j’ai même été présidente. Tout en me préparant aux compétitions, en travaillant la musculation, la course et notamment les haies.
Votre histoire avec l’athlétisme n’est pas un long fleuve tranquille…
E.P. : Oh non ! C’est un chemin semé d’embûches. J’ai eu encore un petit arrêt vers cinquante ans, à la ménopause. Mon mental n’était pas au top. Et, de fait, j’avais pas mal de petits bobos. De plus, je n’avais plus alors l’encadrement qu’il me fallait. Pour pouvoir pratiquer mon sport, j’ai besoin d’avoir quelqu’un qui me dit ce que je dois faire. Je me sentais un peu hors catégorie.
En 2002, vous rencontrez celui qui va devenir votre second mari…
E.P. : Pierre, oui, qui s’est investi, lui, toute sa vie dans la marche athlétique. Je commence alors à m’entrainer dans ce sport. Alors que j’étais adepte du sprint, je passe aux longues distances. J’ai pratiqué pendant une dizaine d’années. En 2011, j’ai même été finaliste aux championnats d’Europe vétérans sur cinq kilomètres. Mais j’ai dû arrêter après un problème de tendon à un genou. Je suis alors passée à la marche nordique en bord de mer. Et puis, un jour de 2017, le mauvais temps m’a obligé à m’entraîner en salle. J’ai alors découvert la technique de l’entraîneur de sprint Mrakodo Makifou, dit « Maki » : des exercices de gainage et de souplesse, en musique. Très intéressant d’associer rythme et gestes de l’athlétisme… et, cet homme dégageait de l’énergie et de la bonne humeur. Á soixante-sept ans, j’ai eu envie d’essayer. Maki a accepté de s’occuper de moi, à condition que je perde dix kilos ! J’ai adopté un nouveau régime alimentaire auquel je me tiens depuis : j’évite sel et sucre; je privilégie poulet, poisson, légumes et pain complet. Je prépare ce que je mange et cela participe à mon sport.
Qu’est-ce qui vous fait franchir les haies aujourd’hui ?
E.P. : Sans hésiter, le plaisir de me voir progresser. Depuis cette période où j’ai repris mon sport, l’entraînement et la compétition, je me demande si je vais encore être capable, chaque année. Je doute, mais j’y vais. La pratique de la visualisation à laquelle Maki m’a initiée m’aide beaucoup. Après une course, je revois dans ma tête tous les gestes que j’ai accomplis : ce qui a été, ce qui n’a pas été, ce qui m’a donné du plaisir ou pas. Je n’ai jamais été aussi confiante. Au point de me remettre en question une nouvelle fois, en 2023, en prenant un nouvel entraîneur. Alain Bodayan gère ma préparation technique et mon mari, lui, continue de programmer mes entraînements. En principe, je fais huit ou neuf compétitions par an. Alors, il faut entretenir la machine ! Je m’entraîne trois ou quatre fois par semaine.
Quel est votre dernier record ?
E.P. : En juillet dernier, j’ai pulvérisé le record du monde du 80 mètres haies à Tampere, en Finlande, avec 15’70. Pour moi, tout était alors accompli. Mais, j’ai appris que mon record ne serait pas homologué car l’organisateur n’avait pas installé des haies
réglementaires. J’ai eu du mal à m’en remettre…
Dans votre préparation mentale, la peinture semble jouer un rôle important. Que vous apporte-t-elle ?
E.P. : La peinture demande une préparation, de la concentration et de la précision. Comme le sport que je pratique. Pendant que je peins, je peux penser à ma course. Et inversement. Les deux préparations se rejoignent inconsciemment. Plus la compétition approche, plus je me prépare aussi à peindre en installant mes toiles dans la véranda, qui est à la fois mon atelier et ma petite salle de sport.
Vous êtes aussi présidente du club des ainés d’Audinghen (Pas-de-Calais), votre commune de résidence…
E.P. : Oui, depuis cinq ans. C’est un club d’amis avec qui je partage mes passions. Nous parlons et nous marchons, chacun à son rythme. Nous nous stimulons mutuellement pour pousser les limites que nous avons dans la tête. Tout est là : avoir un but et retrouver de la tonicité, comme celle que j’ai retrouvée avec la compétition.
Recommandations édictées par le club des cardiologues du sport à l’attention des sportifs.
1. Je signale à mon médecin toute douleur dans la poitrine ou tout essoufflement anormal survenant à l’effort*.
2. Je signale à mon médecin toute palpitation cardiaque survenant à l’effort*.
3. Je signale à mon médecin tout malaise survenant à l’effort* ou juste après l’effort*.
4. Je respecte toujours un échauffement et une récupération de dix minutes lors de mes activités sportives.
5. Je bois trois ou quatre gorgées d’eau toutes les trente minutes d’exercice, à l’entraînement comme en compétition.
6. J’évite les activités intenses par des températures extérieures inférieures à 5°C ou supérieures à 30°C, et lors des pics de pollution.
7. Je ne fume pas, en tout cas jamais dans les deux heures qui précèdent ou suivent ma pratique sportive.
8. Je ne consomme jamais de substance dopante et j’évite l’automédication en général.
9. Je ne fais pas de sport intense si j’ai de la fièvre, ni dans les huit jours qui suivent un épisode grippal (fièvre et courbatures).
10. Je pratique un bilan médical avant de reprendre une activité sportive intense (plus de 35 ans pour les hommes et plus de 45 ans pour les femmes).
* Quel que soit mon âge, mes niveaux d’entraînement et de performance ou les résultats d’un précédent bilan cardiologique.
Pour en savoir plus :
clubcardiosport.com
Fedecardio.org (série de 5 podcasts Un cœur qui va, la vie qui bat, coproduit par la FFC et Radio France.)
Un dossier réalisé par Carine Hahn.